Ca commence par un radiateur et ça se termine en orbite
Oyez, oyez, mesdames et messieurs. Voici le fruit d'une collaboration avec le commandant La Féline, désormais membre de l'état-major serbe. Nous nous sommes lancés un petit défi : écrire chacun de notre côté un texte d'une cinquantaine de lignes qui commence par radiateur et qui se termine par orbite. Sans doute le premier d'une longue série, donc... Stay tuned ! Vous pouvez lire le texte félinien ici : http://unrevedepapillon.canalblog.com/archives/2006/08/06/2406104.html
"Radiateur, ô mon beau radiateur, est-ce toi ? fit le glaçon.
- Oui, mon beau, c'est bien moi.
- Quelle joie de te revoir... Des mois sans pouvoir ressentir ta chaleur destructrice... Sans nouvelles de toi, tu sais, je me glaçais les sangs.
- Et moi donc ! Et puis, tout un été dans un placard, c'est dur. Souffrir de la chaleur alors qu'on est habitué à réchauffer soi même, c'est un peu la honte.
- Oh, radiateur, dis-moi de belles choses, fais-moi rêver ! Fais-moi croire à un avenir commun pour nous deux !
- Tu sais bien que nous vivons un amour impossible... En mai, on te forme, alors même que l'on me range au grenier. Et quand enfin je peux en sortir, vers le mois d'octobre, c'est toi que l'on cache. Mais ce moment commun, aussi court soit-il, me donne, comme un soleil qui tutoierait la nuit, l'énergie nécessaire pour tenir tout l'hiver et me réchauffer le coeur.
- Oh, Radiateur, tu me fais fondre !
- Ta présence m'est rafraîchissante, tu sais.
- N'y a-t-il donc pas un moyen de vaincre le signe indien ? De conjurer le sort ? Partons tous les deux, là où rien ne nous séparera, là où il n'y aura rien à réchauffer, et rien à refroidir ! Là où il n'y a pas d'air, on ne nous fera pas travailler ! Radiateur... Et si le luxe, c'était l'espace ?
- Je ne sais pas, glaçon... C'est beaucoup d'engagement ! Et puis... J'ai tout de même des attaches, tu sais...
- C'est cette salope de climatiseur, c'est ça hein !!
- Allons, glaçon, on en a déjà parlé...
- Il te rafraîchit plus que moi, c'est ça ?
- Mais non, tu sais bien que non... C'est... Différent, voilà tout. Tu ne peux pas me demander de vous comparer.
- Je ne vois vraiment pas ce que tu lui trouves. Il est gros et bruyant !
- Il est différent, c'est tout.
- Dis-moi ce qu'il a de plus !
- Eh bien... Il est bi. Il peut à la fois réchauffer et rafraîchir.
- Oui, je sais ce que tu espères. Tu espères qu'un jour, j'accepte de faire un trio avec toi et lui ! Non mais tu me prends pour qui ?? Un vulgaire ventilateur ? Je ne peux pas souffler sur n'importe qui, moi... J'ai besoin d'être proche des gens, de sentir un contact réel... Sans quoi je ne me sens pas capable de rafraîchir, tu le sais bien.
- Je le sais, glaçon.
- Il te purge jusqu'au bout, c'est ça ?
- Glaçon...
- Réponds-moi !!
- Tu sais bien que c'est toi qui comptes.
- Alors emmène-moi. Loin !
- Et mon travail, tu y as pensé ? Tu crois peut-être que le Thermostat va m'accorder une année sabbatique comme ça ? Et la saison qui commence à peine !
- Je suis sûr qu'il te reprendra à ton retour...
- Arrête un peu ! Tu connais le petit Siemens d'appoint... Il n'attend qu'une chose, c'est que je tourne le dos pour prendre ma place ! "Gnagnagna, moi je suis plus léger, gnagnagna, je m'éteins plus vite..." Pfff... Je ne peux pas lui faire ce plaisir !
- Ecoute, radiateur... Je t'aime... Mais maintenant, tu dois faire un choix ! J'ai besoin d'affection, et tu n'es jamais là pour moi ! C'est bien simple, je... J'ai même hésité à essayer le froid.
- Toi, homo ?
- L'éventail, lui, au moins, il n'est pas toujours ailleurs ! Si j'ai besoin de lui, je sais qu'il est là ! Alors, d'accord, lui, il n'a pas de molette... Mais je n'ai pas forcément besoin de ça pour prendre du plaisir. Ce qui compte, c'est l'affection. L'affection n'a pas de température.
- Glaçon, je... Je ne sais pas quoi dire...
- Un peu de courage ! Je sais que tu veux me larguer. Fais-le pour moi, j'ai besoin de l'entendre. Je sais que tu es égoïste, que tu préfères ton travail, et que tu ne veux pas te figer dans un couple. Je sais, ça jette un froid. Mais moi, je ne veux pas d'un courant d'air.
- Oh, glaçon ! Je ne savais pas que tu souffrais autant ! Tu as raison. J'ai été égoïste. J'appelle le Thermostat pour lui dire merde. Le petit Siemens peut prendre ma place, je m'en fous. Viens, glaçon. Nous partons là où l'on ne nous jugera pas. Pas d'air à réchauffer ni à refroidir. Viens, nous partons en orbite."