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Slobodan le gentil dictateur
8 mars 2009

C'est du lourd

En cherchant un sujet à ce texte, j'ai laissé tomber ma tête vers l'arrière. Là, j'ai remarqué que mon plafond était fissuré à un endroit sur lequel je n'avais encore jamais posé le regard... Ce qui me fait penser à un phénomène qui se manifeste à mes yeux régulièrement: la révolution du point de vue.

Vous est-il arrivé de prendre une rue dans le sens contraire de celui dans lequel vous la prenez tous les jours, et de ne réaliser qu'au bout de quelques minutes que vous connaissez cette rue, mais dans l'autre sens? Quand une telle chose m'arrive, je réalise à quel point ma perception de mon environnement est imparfaite. Pour moi qui suis obsédé par l'exhaustivité, réaliser une chose pareille est douloureux!

S'il suffit que je change de sens pour ne plus reconnaître une rue, cela signifie que je ne l'ai pas regardé bien attentivement, malgré le nombre incalculable de mes allées et venues. Mais alors... Si je suis si étourdi... Combien de détails raté-je, chaque jour? Combien d'informations potentiellement laissé-je passer? Combien de vedettes croisé-je sans les remarquer? Dans l'oeil de combien de filles ai-je tapé sans m'en rendre compte? Combien d'occasions manquées? Combien de vies parallèles aurais-je pu vivre?

Mais il n'y a pas que mon inattention qui crée mon histoire. Il y a aussi mes choix. Et si je m'étais connecté à 23h08 au lieu de 23h09 sur ce site de tchat, sur quelle fille serais-je tombé? Serais-je toujours avec mon ex, que j'ai larguée pour ma fiancée?

A quoi tient ma vie? Combien de millions d'existences potentielles ai-je en moi? Ce qui m'inquiète le plus, ce ne sont pas celles que j'ai loupées, ou auxquelles j'ai échappé; ce sont celles que je n'ai pas encore écartées... Comment se repérer dans ce gigantesque labyrinthe? Comment faire les bons choix?

Dans le doute, maintenant, je réponds "oui". Et je vais à droite. Et je mets toujours un peu plus de pâtes dans la casserole, de peur de n'en mettre pas assez. Avec ces choix constants, je réduis la part d'incertitude, la part de prise de tête, d'hésitation; moins il y a d'hésitation, moins le choix opéré est digne de remords, puisqu'il n'a pas fait l'objet de réflexion. Je ne suis pas allé à droite après avoir longuement hésité à aller à gauche; si je l'ai fait, c'est juste que c'est ma règle. Je n'ai donc pas failli aller à gauche, je n'ai donc pas de regret à avoir. Ainsi, je suis moins engagé dans mes choix, et si par hasard mes choix s'avéraient mauvais, je ne m'en voudrais pas puisque ce ne seraient pas vraiment des choix, mais des réflexes. Mon intellect, mon moi ne seraient pas à blâmer.

Facilité? Solution salvatrice? Ou impasse? Est-ce que la fierté que l'on éprouve à la fin de sa vie n'est pas le résultat de l'addition de toutes les décisions qu'on a prises au cours de sa vie? Ou bien est-ce simplement l'addition de tout ce que l'on a vécu au bout du compte? Faut-il privilégier la réflexion ou l'action? QU'EST-CE QUI ME RENDRA LE MOINS MALHEUREUX SUR MON LIT DE MORT?

Bon, bon, bon, on ne dirait pas, comme ça, mais je vous assure que je ne suis pas en train de pleurnicher sur mon clavier. Ca ne risque pas; dès que je sens qu'un sujet de réflexion est potentiellement anxiogène, je passe à autre chose. D'un autre côté, si je passe mon temps à passer à autre chose, je ne risque pas de la trouver, la réponse... Je sais bien que je devrais accepter de souffrir un peu. Bon sang de bois, Ma fiancée a 7 ans de moins que moi, et elle a déjà réglé son problème avec la mort! Moi, dès qu'il en est question, dès que l'image de la mort de mes parents me vient à l'esprit, j'embraye sur autre chose... Je n'ai jamais enterré personne, et je ne me suis jamais laissé aller à imaginer ce que ça donnerait. Du coup, j'ai beaucoup de mal à prendre conscience de ma mortalité. Je l'ai bien sûr admise intellectuellement; mais je ne la ressens pas, ou peu. Je commence à avoir vaguement conscience du temps qui passe, notamment grâce à la différence d'âge avec elle. Aux souvenirs encore frais qui ont déjà plus de 10 ans.

Le sens de la mortalité a du bon, je le sais. Quand toutefois, à un certain niveau de ma conscience, je me laisse atteindre par l'idée de la disparition de mes parents, je commence à ressentir le besoin de les appeler, de les voir, de profiter de leur existence. C'est un début... Et j'ai la preuve de l'utilité de cette conscience de mortalité. Mes parents m'ont toujours épargné les enterrements... C'était peut-être une erreur. Ma fiancée m'explique qu'elle a compris la mort quand elle a enterré sa grand-mère. Moi, j'ai perdu, de mon vivant, trois grands-parents et un arrière grand-père. Mais aucun d'eux n'est vraiment mort et enterré; je n'en ai vu aucun en boîte. Je ne les ai simplement plus vus. C'est une disparition douce, une suppression de ma vie... Mais pas de la vie dans l'absolu. Je pense que constater de visu que cet homme ou cette femme allaient en terre, non seulement sous mes yeux mais aussi sous ceux de tous les membres de l'assistance funéraire m'aurait fait réaliser que ces gens ne disparaissaient pas que pour moi, mais aussi pour tous les autres, pour le monde entier, la Terre, la vie, l'existence cosmique, bref, tout ça. Ils ont cessé d'exister. Tout ce qu'ils ont vécu, ressenti, le fruit de leurs réflexions, leurs rêves, leurs cauchemars, leurs souvenirs, leurs peurs, leurs coups de génie... Tout ça est parti en fumée. Que cette infinité de choses, qui font un homme ou une femme, puisse s'évanouir en un instant, indépendamment des efforts consentis par ces individus pour aboutir à l'être qu'ils ont été à leur dernière seconde... m'est insupportable.

Tout mon problème est là... Comment me résoudre à affronter l'insupportable? Vivrais-je une existence plus heureuse en étant au clair avec le concept de mortalité? Je n'arrive pas à le croire. Pourtant, ma fiancée me dit avoir fait la paix avec sa mortalité, et elle n'est pas sans cesse en train de déprimer. Je devrais en tirer quelque espoir! Mais non.

Voilà où j'en suis, cher lecteur, obscur ou bien aimé. J'oscille depuis quelques années entre certitude de devoir profiter de mon inconscience et crainte d'être en train de passer à côté de ma vie. J'ai l'impression que s'opposent inconscience/vie tranquille et heureuse d'une part, et conscience de la mortalité, vie intense d'autre part. Qu'est-ce qui serait, au bout du compte, le plus satisfaisant à la fin de ma vie? Car c'est, à l'heure actuelle, le seul moment qui compte pour moi: ce que je serai capable de me dire pendant mes 5 dernières minutes. Je pense, je sais qu'il n'y a rien après la mort. Ceux qui croient régissent leur vie de façon à être bien après la mort, au paradis. Moi, je régis ma vie de façon à être bien juste avant la mort, à défaut de pouvoir voir plus loin... Les uns seront jugés par un tiers (Dieu), dont ils connaissent les exigences (les commandements). Moi, je serai jugé par moi-même... Et je ne sais pas quelles seront mes exigences à l'aube de ma mort. Quelle pression! Comment trouver la réponse à une question que je ne peux pas encore me poser?

Putain de fissure dans le plafond!

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Commentaires
T
Ah, eh bien quand tu choisis un sujet existentiel, tu prends le plus existentiel qui soit!<br /> Tu me prends en exemple, alors je réponds!<br /> J'ai eu effectivement très tôt conscience de la mort, et des problèmes que cela posait... Alors j'en suis venue à deux solutions: avoir une conscience permanente de la mort et déprimer, ou bien profiter de la vie tant que je peux.<br /> Tu as bien une petite idée de l'option que j'ai choisie. Et au final, prendre conscience de la mort, c'est décider d'oublier que l'on va mourir, pour profiter pleinement de la vie. Après tout, si la mort existe, c'est bien pour que la vie soit précieuse et savoureuse. <br /> J'aurai bien le temps de penser à la mort, mais ce sera quand j'aurai fini d'agir, de faire tout ce qui me plaît, et je pense que je n'aurai jamais fini. <br /> Je préfère ne pas penser à la mort, c'est trop déprimant, et j'aime à croire qu'il y a quelque chose de particulier après, peut-être un renouveau: on serait dans les limbes et on déciderait du schéma de notre vie future, et puis on oublierait tout cela au moment de naître. La vie continuerait à nouveau. <br /> Après tout, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme... <br /> Enfin bon, ok, mon corps se transformera en compost de cimetière ou en cendres... Mais au-delà de ça, qui sait? Est-ce qu'on sait tout expliquer? Est-ce qu'on connaît toutes les lois de l'univers?<br /> Bon, je pars un peu loin, là...<br /> En bref, pour bien vivre, il faut savoir oublier que l'on va mourir, et profiter de chaque instant, de sorte à n'en regretter aucun. Savoir profiter de toutes les potentialités de mon corps et de mon esprit (dans la limite du raisonnable!! enfin...) et sentir le présent s'écouler, seconde après seconde.<br /> Au final, la vie ce n'est qu'une succession d'instants insaisissables qui disparaissent aussitôt qu'ils apparaissent... un peu comme les hommes, au final.<br /> Sinon, t'es au courant que je t'aime?
Slobodan le gentil dictateur
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